Les enfants victimes de violence contraints au déplacement sont avant tout des enfants !

Les déplacements de population sont une constante de l’histoire humaine. Pour autant, la violence généralisée, les conflits armés, la délinquance violente, l’insécurité alimentaire et la dégradation de l’environnement atteignent désormais un niveau tel qu’ils donnent lieu, partout dans le monde, à des déplacements de masse d’une ampleur inédite. Parmi les déplacés, beaucoup sont des enfants – filles et garçons de moins de 18 ans qui se sentent obligés de quitter leur foyer et leur communauté pour fuir la violence ou l’oppression ou pour chercher, ailleurs, sécurité et protection. Pressés d’émigrer ou de rechercher l’asile, tous risquent d’être victimes de violences et d’exploitation pendant leur voyage, voire une fois arrivés à destination, si jamais ils y parviennent. Certains finiront par être ramenés dans leur pays d’origine, où ils se retrouveront dans les mêmes circonstances qui les avaient contraints à partir, risquant même de subir des représailles pour avoir fui. En tout état de cause, ces enfants font constamment face à une violence effroyable, que beaucoup d’autorités n’ont pas la capacité ou la volonté de combattre. Les enfants ayant subi de telles épreuves risquent fort de se retrouver totalement laissés pour compte. Pour eux, le monde imaginé dans le Programme de développement à l’horizon 2030 semble distant et illusoire. 

Or, le droit de tous les enfants d’être à l’abri de la violence est un impératif à la fois moral et juridique. En ce qui concerne les enfants en déplacement, la violence constante qui les poursuit, de leur lieu d’origine à leur destination, doit être remplacée par une protection systématique. Il s’agit là de la principale inquiétude soulevée par les experts lors de la consultation organisée à Mexico en juin 2017 par le Bureau de la Représentante spéciale chargée de la question de la violence à l’encontre des enfants et l’Universidad Iberoamericana, en coopération avec les partenaires de l’Organisation des Nations Unies, les milieux universitaires, la société civile et des associations locales. Les résultats de cette consultation figurent dans le rapport de la Représentante spéciale, qui passe aussi en revue les lois et politiques adoptées, notamment, en Europe et en Amérique latine. Le rapport s’enrichit aussi d’une série de contributions spéciales des principaux acteurs de la promotion et de la protection des droits fondamentaux des enfants en déplacement. Il importe de noter que le point de vue des enfants apparaît également dans ce rapport, qui s’inspire des résultats d’un sondage U-Report sur ce que les enfants et les jeunes pensent du sort des enfants en déplacement. Ces conclusions sont résumées dans l’encadré X, les résultats complets figurant en annexe.

En application des normes internationales, les droits de tous les enfants qui relèvent de la juridiction de l’État, y compris les enfants demandeurs d’asile, réfugiés, migrants et apatrides, doivent être garantis sans discrimination d’aucune sorte. Afin de veiller au respect de ces droits, il faut prendre des mesures pour renforcer et appuyer, y compris financièrement, les institutions de protection de l’enfance auxquelles les enfants en déplacement peuvent être confiés, surveiller la prise en charge et la sécurité des enfants, détecter rapidement les risques et y parer, lutter contre l’impunité et encourager des solutions durables. L’élaboration du Pacte mondial sur les réfugiés et du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières offre une occasion unique de progresser dans la mise en œuvre de ces mesures essentielles. 

Étant donné l’échelle et la complexité des questions relatives aux enfants en déplacement, le rapport est focalisé sur certains problèmes essentiels. Ainsi, la Représentante spéciale y traite de la situation de tous les enfants qui franchissent des frontières internationales, quels que soient leur statut et leurs motivations, mais n’aborde pas la situation particulière des enfants déplacés dans leur pays, bien que ces derniers aient souvent à faire face aux mêmes difficultés que les migrants internationaux et les réfugiés. 
Dans son rapport, la Représentante spéciale donne un aperçu général des risques que courent les enfants en déplacement, accordant une attention particulière à la situation en Amérique centrale et en Europe. La région européenne peine à prendre en charge le mouvement massif de réfugiés et de migrants, que ce soit d’un point de vue moral, économique, politique ou logistique, et manque trop souvent à ses engagements humanitaires envers les personnes en déplacement, dont les enfants, en dépit des normes régionales relatives aux droits de l’homme et des législations nationales. En Amérique centrale, notamment à El Salvador, au Guatemala et au Honduras, la violence criminelle et celle des bandes organisées atteignent des niveaux sans précédent, y compris dans les écoles, forçant des enfants à fuir leur foyer. Beaucoup se dirigent vers le Nord, au Mexique ; certains, souvent aux mains de trafiquants d’êtres humains ou de passeurs, tentent alors de franchir la dangereuse frontière des États-Unis d’Amérique. Dans le même temps – fait encourageant –, plusieurs pays d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud prennent des mesures législatives importantes au niveau national pour protéger les enfants en déplacement ; cette évolution est analysée en détail dans le rapport.
Migrants, demandeurs d’asile ou réfugiés, les enfants victimes de violences qui sont contraints au déplacement sont, avant tout, des enfants et, en tant que tels, ils ont le droit de jouir de tous les droits et protections que leur confèrent les normes internationales. 

Marta Santos Pais
New York, le 11 avril 2018