Six mesures à prendre pour mettre fin à la violence contre les enfants
Si l’élimination de la violence est un impératif d’éthique, elle présente aussi un intérêt économique. Outre l’incidence qu’elle a sur les enfants qui en sont victimes et sur leurs familles, la violence coûte énormément à la société : dans le monde entier, elle détourne des milliards de dollars de dépenses publiques et ralentit le développement économique, érode le capital humain et social, et empêche fortement les enfants de réaliser tout leur potentiel du fait des énormes pertes économiques qu’elle entraîne pour la société.
Il faut donc agir d’urgence. Voici six principales mesures que les pays peuvent prendre pour tenir l’engagement qu’ils ont pris d’éliminer la violence contre les enfants.
Élaborer une stratégie nationale de lutte contre la violence faite aux enfants qui soit axée sur ces derniers, intégrée, multidisciplinaire et assortie d’un calendrier.
Il convient de prendre toutes les dispositions nécessaires pour intégrer la question de la protection des enfants contre la violence à tous les niveaux de l’État et en faire une composante essentielle du programme national de développement. Il faut veiller à ce que les professionnels concernés bénéficient d’une formation adéquate sur les mécanismes de prévention de la violence et d’intervention adaptés aux enfants, et reçoivent des orientations sur la manière de prévenir et de combattre cette violence, et de communiquer l’information y relative. En particulier, il importe de fournir les fonds nécessaires au succès de ces initiatives.
Adopter des dispositions juridiques interdisant la violence contre les enfants et les appliquer efficacement.
L’interdiction juridique de la violence contre les enfants doit couvrir toutes les manifestations de celle-ci, notamment en ce qui concerne les nouvelles questions telles que l’utilisation à mauvais escient des technologies de l’information et des communications. Les pays doivent investir dans l’application des lois et dans la mise en place de systèmes judiciaires adaptés à la famille et à l’enfant ainsi que de systèmes et de services de protection de l’enfance solides et utiles.
Redoubler d’efforts pour rendre la violence contre les enfants socialement intolérable.
L’élimination de la violence contre les enfants exige de changer les attitudes et les comportements profondément ancrés qui légitiment cette violence, notamment ceux qui font d’elle un moyen d’imposer la discipline au sein de la famille ainsi que dans les écoles et autres institutions. Mobiliser toutes les parties prenantes, notamment les notables et les chefs religieux, aux fins de la sensibilisation et de l’amélioration des normes sociales positives peut permettre d’éliminer les croyances profondément enracinées qui légitiment la violence.
Promouvoir, dans le cadre de la prévention et de la lutte contre la violence faite aux enfants, l’inclusion sociale des filles et des garçons particulièrement exposés.
Il convient d’aider les familles afin qu’elles puissent prendre bien soin de leurs enfants. Cette mesure permettra de prévenir l’abandon d’enfants et de mettre un terme à leur placement dans des institutions où ils peuvent être davantage exposés à la violence. Cela vaut surtout pour les enfants âgés de moins de trois ans, dont le développement peut être sévèrement compromis par le placement en institution. L’investissement dans les programmes de parentalité positive et les systèmes de protection sociale, ainsi que dans la prise en charge et le développement de la petite enfance, doit recevoir une attention toute particulière et être financé à titre prioritaire.
Établir des systèmes de données et des éléments de preuve solides ou les améliorer afin de prévenir la violence contre les enfants.
Il convient de mettre au point des outils et des indicateurs de suivi portant sur tous les enfants – garçons et filles, toutes origines et classes d’âge confondues. L’enregistrement universel des naissances est le premier volet – et le plus crucial – d’un système de suivi efficace.
Collaborer avec d’autres gouvernements pour faire en sorte que la protection des enfants soit au cœur du programme de développement international pour l’après-2015.
Au moment où la communauté internationale examine le futur programme de développement mondial et définit les objectifs de développement durable pour l’après-2015, la question de la violence contre les enfants, notamment les filles et les garçons les plus vulnérables et les plus marginalisés, doit être examinée en priorité et reconnue comme étant transversale. Le programme de développement pour l’après-2015 doit comporter des cibles explicites relatives à l’élimination de toutes les formes de violence contre les enfants ainsi que des indicateurs et des mécanismes de suivi clairement définis.
Prévenir et éliminer la violence contre les enfants exige de mener, à l’échelle mondiale, un effort d’une ampleur sans précédent, auquel participeront les responsables politiques et les citoyens ordinaires, y compris les enfants et les jeunes. Cette année marquant le vingt-cinquième anniversaire de la Convention relative aux droits de l’enfant offre une occasion en or d’intensifier cet effort et de placer la protection des enfants contre la violence au cœur du programme d’action.
Marta Santos Pais,
New York, le 23 octobre 2014